Comment devenir pilote de chasse de l’aéronavale ?
Vous vous demandez comment accéder au cockpit d’un Rafale Marine ?
Dans cet article je vais vous expliquer les différentes voies d’accès pour devenir pilote de chasse dans la Marine nationale.
Puis je détaillerai les grandes étapes qui mènent à une place de pilote en flottille de chasse.
Deux voies d'accès
Tout d’abord il est important de comprendre qu’il existe deux voies d’accès bien distinctes pour devenir pilote de chasse dans l’aéronavale :
- La voie de l’école navale
- La voie EOPAN
Les processus d’entrée et les profils de carrières sont très différents entre ces voies !
- En passant par l’école navale vous aspirez à devenir un officier de carrière. Le métier de pilote sera une spécialité et vous le pratiquez pendant une certaine durée de votre carrière.
L’évolution dans les grades est plus rapide et c’est aux officiers de carrières que sont destinés les postes de haute responsabilité comme le commandement d’une flottille.
Après un certain nombre d'années, les officiers de carrières quittent la spécialité de pilote pour évoluer dans l’institution. Par exemple, certains pilotes sont devenus commandant du porte-avions puis Chef d'État Major de la Marine.
- En passant par la filière EOPAN, vous serez un officier sous contrat et votre seul et unique métier durant la totalité de votre carrière sera d’être pilote. A l’issue de votre carrière militaire vous êtes de retour à la vie civile. (A savoir que des concours internes à l’institution permettent d’y rester pour exercer différents métiers).
Ce choix aura donc un impact direct sur le profil et la durée de votre carrière. Mais également sur les grades et les fonctions qui vous seront accessibles.
Rentrons un peu plus dans le détail :
La voie de l’école navale
L’intégration à l’école navale se fait sur concours. Généralement, les candidats qui se présentent ont fait des classes préparatoires. L’adhésion se fait ensuite suivant le classement et les places disponibles.
La spécialité de pilote
Initialement, les élèves de l’école navale sont formés pour évoluer vers les plus hautes fonctions de l’institution. L’orientation vers la force d’aéronautique navale ne constitue qu’une spécialisation. D’autres partiront vers la force d’action navale ou vers la force océanique stratégique.
L’orientation vers l’aéronautique navale se fait donc sur base de volontariat. Et les volontaires passent une visite médicale et une sélection en vol pour évaluer leur aptitude à pratiquer le métier.
Enfin les candidats retenus sont orientés dans les différentes filières de l’aéronautique navale. A savoir, la chasse, la patrouille maritime et les hélicoptères.
Les candidats ayant passé tous les filtres entament alors la formation de pilote. Vous l’aurez compris, les candidats retenus étant distillés dans les 3 filières, une partie seulement devient pilote de chasse. Pour ce qui est de la formation de pilote, elle sera détaillée un peu plus bas dans cet article.
La voie EOPAN
Passons désormais à la filière EOPAN. Elle diffère grandement dans ses conditions d’entrée dans le sens ou il ne vous suffit que d’avoir un bac pour vous présenter.
La sélection est ensuite conçue pour trouver les profils qui répondent le mieux aux besoins de l’aéronautique navale.
Le gros de l’effectif des pilotes de l’aéronavale est issu de la voie EOPAN.
Voilà comment se déroule la sélection
Dépôt d’un dossier
La candidature débute par le dépôt d’un dossier au CIRFA Marine le plus proche de chez vous. Vous devrez rassembler un certain nombre de documents qui seront compilés par un référent qui vous sera attribué.
Ce référent vous fera passer un petit entretien pour tester vos motivations et vos connaissances. Il estimera si ça vaut le coup de vous faire entamer le processus de présélection.
La présélection
La présélection se décompose en deux grandes phases.
La première se déroule normalement sur la BAN de Lanvéoc. Cela a été fortement modifié avec les restrictions dues au COVID. Certaines épreuves ayant eu lieu en distanciel.
Vous y passez :
des tests psychotechniques
- un test de culture sur la marine, l’aviation et l’aéronavale
- un entretien avec un/une psychologue
- un entretien d’anglais
- un entretien de commission avec plusieurs membres de l’EIP/50S
Cette phase est éliminatoire. Et c’est à la fin de l’entretien de commission que vous saurez si vous êtes convié à passer la suite de tests.
Si vous êtes retenu, vous devrez passer la deuxième phase qui se déroule à Toulon.
Vous y passerez les tests suivants :
- La visite médicale de type classe 1
- Des tests psychotechniques complémentaire
- Le simulateur (SEPIA)
- Un nouvel entretien avec un ou une psychologue
A savoir que la visite médicale est assez poussée et qu’elle déterminera si vous êtes apte à exercer le métier de pilote de l’aéronautique navale.
Les dossiers médicalement aptes issus des tests de Toulon sont donc gardés pour passer en commission finale. Cette commission choisit les meilleurs dossiers pour constituer une promotion de sélection en vol. En général une promotion est constituée de 15 EOPAN. Et de manière générale également, 3 promotions d’EOPAN se succèdent au cours d’une année.
La sélection en vol
14 vols de sélection à bord d’un CAP-10, c’est l’objet principal de la sélection en vol. L’idée est de voir si vous avez les capacités recherchées par les moniteurs de l’EIP/50S. Même s’il est super d’avoir un bon sens de l’air, sachez que des candidats avec une très faible expérience aéronautique ont fini sur Rafale.
Cette sélection cherche surtout à déceler des critères comme :
- La capacité d’apprentissage et de restitution
- La capacité de remise en question et de progression
- Le respect des procédures enseignées
A savoir que le niveau de difficulté monte rapidement pour voir si vous encaissez la charge de travail. Le but est de savoir si vous êtes pleinement capable d’intégrer un cursus de formation et de pratiquer le métier par la suite avec de grandes chances de réussite.
Les vols de pré-orientation par filières
A l’issue de la sélection en vol, les EOPAN retenus passent des vols plus spécifiques pour déterminer la filière qui leur conviendrait le mieux (full US, avion ou hélico). Il s’agit principalement de vols de navigation à basse altitude en Cirrus et de vols en formation en CAP-10.
L’orientation finale est un mix entre les résultats de ces vols, des besoins de la Marine et des envies du candidat.
Autres cours
Lors de la sélection en vol, de nombreux autres cours sont dispensés comme :
- L’apprentissage des différents comportements militaires
- L’anglais
- Le sport
- Le stage de survie en mer
- Le cours officier à l’école navale
La formation des pilotes de chasse de l’aéronavale
Pour ceux retenus en cursus avion ou chasse, deux options sont possibles concernant leur cursus de formation. Le cursus full US, dont l’intégralité de la formation se passe au sein des écoles de l’US Navy.
Ou le cursus français qui se déroule en grande partie dans les écoles françaises de formation de l’armée de l’air. Et qui se termine par la formation jet et la navalisation aux US.
Cursus avion en France
Commençons donc par le cursus français.
Petite précision : Ceux qui intègrent ce cursus ne savent pas, à ce stade, s'ils iront en chasse ou en patrouille maritime.
Nous y reviendrons mais le choix de la spécialisation intervient plus tard.
Passage de l’ATPL
Ce cursus commence par le passage de l’ATPL théorique sur la base aérienne 701 de Salon de Provence. Les marins rejoignent les élèves pilotes de l’armée de l’air, et pendant plusieurs mois ils révisent et passent successivement les différents modules de l’ATPL.
A Salon, ils feront également des vols d’initiation sur Cirrus.
Tronc commun
A l’issue de cette phase à Salon de Provence, les élèves pilotes rejoignent la base aérienne 709 de Cognac. Ils y entament ce qui s’appelle le tronc commun. Les bases du pilotage et des spécificités militaires y sont apprises sur l’avion Grob 120.
Cette machine est déjà un peu complexe car elle dispose d’un train rentrant, d’une hélice à pas variable et est capable de faire des évolutions en voltige.
D’ailleurs cette phase met les élèves à l'épreuve durant des vols de voltige et des vols en formation.
Le niveau et le classement déterminent, à la fin du tronc commun, si les candidats seront orientés dans le cursus chasse ou le cursus multi-moteurs.
Pré-spécialisation chasse
Les élèves orientés en chasse restent à Cognac mais changent de machine ! La suite des vols se passe sur Pilatus PC-21. un biplace en tandem équipé d’un turbopropulseur et de sièges éjectables.
l’avion a de grosses performances et dispose d’une avionique proche de celle des chasseurs modernes comme le Rafale.
Les vols se complexifient et les élèves sont alors formés aux spécificités de l’aviation de chasse. Pour ceux qui terminent cette partie sans encombre, direction les US pour la fin de la formation.
Spécialisation chasse : passage sur jet et et navalisation aux US
L’arrivée des élèves aux US se traduit par un stage aux Defense Language Institute qui a pour but de les aligner au vocabulaire militaire anglais. Ils feront également un stage de survie en mer.
Ensuite la formation se poursuit avec deux phases distinctes qui se passeront sur le jet biplace T-45C. La première partie est dédiée à l’apprentissage du vol sur jet. La seconde est plus portée sur l’apprentissage au tir d’armement. La formation est jonchée d’appontages simulés sur piste. Cela prépare les élèves à l’étape finale de la formation : la navalisation.
Les élèves devront valider un certain nombre d’appontage sur un porte-avions américain à bord de leur T-45 !
La réussite de cette partie se traduit par l’obtention du macaron de pilote de chasse. Cela mène au retour en France pour entamer la transformation Rafale.
Mais avant passons au cursus full US :
Le cursus full US
Au lieu de partir dans le cursus de formation français, certains élèves partent directement aux USA après la sélection en vol de Lanvéoc.
Pour faire simple, l’ATPL, le tronc commun et la pré-spécialisation chasse sont remplacés par :
- L’aviation Preflight Indoctrination qui est un stage porté sur la théorie du vol.
- Le Primary Flight Training qui est l’apprentissage de base sur avion à hélice. Il se déroule sur l’avion T-6 Texan II, une machine assez similaire au PC-21.
Et à l’issue du Primary, les élèves font la partie jet sur T-45C décrite un peu plus haut dans l’article.
La transformation Rafale
Pour les élèves, c’est le moment de rentrer en France et de côtoyer leur futur outil de travail. Il existe deux options pour faire la transformation Rafale. Les voici :
À Landivisiau
Certains pilotes la font directement à Landivisiau sur Rafale M. Le laché se fait après des cours théoriques et plusieurs vols sur simu. Et lors de ce premier vol, ils sont généralement accompagnés par un pilote expérimenté à bord d’un autre Rafale.
À Saint-Dizier
D’autres retournent sur les bancs de l’armée de l’air et vont à l’ETR (l’Escadron de Transformation Rafale). Après des séances de simu, ils font leur premiers vols sur Rafale B (biplace) accompagnés d’un instructeur. Ils seront ensuite lâchés sur le Rafale M.
L’affectation en flottille
Les pilotes fraichement macaronnés sont affectés dans l’une des flottilles de chasse de la Marine. Même s’ils ne sont plus élèves, avec l’arrivée sur Rafale, ils ont encore beaucoup de choses à apprendre. Apprentissage de la machine, de l’usage de son système d’arme, des procédures de combat françaises, etc.
Le pilote devra passer de nombreuses qualifications pour monter en niveau au sein de la flottille. D’abord Pilote en Instruction Militaire, puis Equipier Opérationnel, puis Sous Chef de Patrouille sans oublier la qualification à l’appontage sur le Charles de Gaulle. A partir de l’arrivée en flottille il faudra une dizaine d’années pour atteindre la qualification ultime de Chef de Patrouille.
Alors, motivés ?
Si vous êtes intéressé par la filière EOPAN, j’ai rédigé un petit guide qui détaille la globalité de ce cursus. Pour le découvrir, il vous suffit de remplir le formulaire ci-dessous :